Évaluation d’école : Analyse de SUD éducation et compte-​rendu d’audience de la DASEN

Syndicats présents : CGT éduc’action, SE-UNSA, SNUIPP-FSU et SUD éducation.

L’intersyndicale a participé ce jour, à une audience sollicitée auprès de Mme la Dasen, au sujet des évaluations d’école.

D’abord, SUD éducation a pris la parole pour évoquer l’inquiétude et la colère provoquées chez nombre d’enseignant.es comme il en a été fait mention dans le communiqué intersyndical départemental, rédigé de manière conjointe entre la CGT éduc’action, le SE-UNSA, le SGEN-CFDT, le SNALC, SNUIPP-FSU et SUD éducation.

SUD éducation a rappelé à Mme la Dasen que ces évaluations d’école provoquent logiquement une méfiance puisqu’elles résultent de la loi Blanquer dite « pour l’école de la confiance », loi à laquelle la communauté éducative s’est largement opposée lors de son annonce.
Nous lui avons fait part du profond sentiment des enseignant.es de se voir rajouter une charge de travail qui ne correspond en rien à ce pourquoi ils.elles ont choisi le métier. De nombreux syndicats voient le nombre de demandes de renseignements pour changer de profession se multiplier ainsi que les appels au secours de collègues démuni.es devant les changements de notre métier.
C’est une véritable crise de confiance que traversent les collègues qui voient en ces évaluations d’écoles une remise en cause de leurs choix et pratiques pédagogiques.
Mme la Dasen a été interrogée sur la présence d’un texte nous imposant de participer à ce processus d’évaluation mais elle n’a pas donné de réponse à cette question. Les syndicats ont également interpellé Mme la Dasen sur les finalités de ces évaluations d’école, interrogations au centre des préoccupations des collègues.

Dans un second temps, Mme la Dasen a pris la parole pour rappeler sa reconnaissance envers l’engagement des professeurs des écoles et des directeurs.trices d’école lors de la crise du COVID. Elle a évoqué la mise en suspend des projets d’école lors de l’épidémie et la nécessité de les réamorcer aujourd’hui. C’est dans ce cadre qu’elle nous a présenté le protocole d’évaluation composé de deux phases : l’autoévaluation et l’évaluation externe.
La première vient, d’après elle, nourrir le projet d’école et repose sur la même démarche que la partie diagnostique effectuée lors de la construction de ce dernier.
C’est pourquoi, dans le département de l’Allier, elle a fait le choix de proposer à l’ensemble des écoles de s’engager dans le processus d’autoévaluation en avançant l’argument que cela constituerait le diagnostic nécessaire à nos projets d’école que l’on soit ou non dans le panel d’écoles concernées par l’évaluation externe en 2022-2023. Toutes les écoles, pour reprendre ces termes, « bénéficieront » d’une évaluation externe dans les 5 ans à venir à raison de 20% des écoles par an. Celle-ci aboutira à l’ajout d’un avenant au projet d’école si nécessaire.
Mme la Dasen a rappelé que le projet d’école repose toujours sur l’expertise des directeurs.trices et de leurs adjoint.es. Les collègues sont libres d’utiliser ou non les documents qui ont été proposés (questionnaires notamment). Elle nous a annoncé que la journée de solidarité pourrait être consacrée à ce travail au sein des équipes si elles le souhaitent.
Interrogée sur les conséquences en cas de refus de participer à l’autoévaluation par une équipe, elle nous a répondu que la démarche actuelle était une démarche d’accompagnement.

M. Douchet a ajouté qu’une journée de formation sur l’évaluation externe sera intégrée au plan de formation de septembre pour les écoles qui feront partie des 20% pour « rassurer et expliquer le processus ». Des remplaçant.es seront envoyé.es dans les écoles pour permettre le bon déroulé des entretiens lors de cette évaluation externe. Il nous a rappelé la composition des équipes d’évaluation : IEN, PEMF, directeur.trices, personnels administratifs d’autres départements.
Les syndicats l’ont interrogé sur l’intérêt de cette démarche.
Mme la Dasen nous a affirmé qu’il ne s’agissait que d’une démarche d’analyse, que ce n’était ni une inspection pédagogique ni un contrôle de conformité. Il n’est pas question que la hiérarchie intervienne dans ce processus. C’est pourquoi une cellule départementale a été créée pour répondre aux besoins des équipes si nécessaire. Elle a ajouté que les IEN de circonscription ne doivent pas participer à l’évaluation de l’école et n’ont pas à intervenir par la suite dans la mise en œuvre du rapport qui sera établi. M. Douchet a témoigné avoir participé à une évaluation externe dans le cadre du second degré et affirme que ce ne sont que des suggestions qui sont faîtes aux équipes.

Face à ce florilège de bonnes intentions, SUD éducation a demandé quelles différences y avaient-ils alors entre l’autoévaluation et le projet d’école que nous connaissions déjà.
Mme la Dasen nous a répondu que ce nouveau processus a pour but de réaffirmer l’importance de l’environnement de l’école dans la construction du projet d’école.
SUD éducation lui a alors demandé de préciser ce qu’elle voulait dire par prise en compte de l’environnement.
Mme la Dasen nous a confirmé nos craintes en défendant l’intérêt de demander l’avis des usagers de l’école à savoir les parents et les élèves ainsi que celui de la mairie par exemple. Elle a tenté de nous rassurer en nous expliquant que les outils présents sur le padlet n’étaient que des exemples et destinés à nous aider, non à être imposés. Il n’en reste pas moins que SUD éducation a exprimé une profonde inquiétude quant aux risques de dérives de telles pratiques. Les préoccupations des enfants comme de leurs parents ne sont pas forcément les nôtres. De plus, il existe déjà un dialogue entre les parents élus et les équipes. Formaliser et officialiser de telles enquêtes auprès des parents et des élèves risquent de donner une image d’une école dont ils seraient les clients.
Mme la Dasen nous a rétorqué qu’au contraire, ce serait l’occasion de rappeler aux parents quelles sont les missions de l’école et les prérogatives des enseignant.es. Pourtant, SUD éducation ne peut que partager les craintes rapportées par une autre représentante syndicale qui redoute une amplification des conflits dans les écoles où les liens avec les familles sont déjà tendus. Mme la Dasen nous a alors rappelé l’existence de la cellule départementale pour aider les équipes et gérer ce genre de situation.

Mme la Dasen a avancé l’argument que ce nouveau protocole permettrait d’obtenir des projets d’école plus différenciés et singularisés en fonction des écoles, qu’elles pourraient ainsi bénéficier d’un accompagnement spécifique. Elle a parlé d’une analyse plus locale permettant l’allocation progressive de moyens. Le but est de territorialiser plus les actions.
SUD éducation a interrogé Mme la Dasen sur une autre crainte, ces évaluations d’école ne vont-elles pas constituer un critère pour déterminer les écoles appartenant au REP ou REP+. Elle nous a affirmé que non.

Nous lui avons fait part de notre inquiétude de voir les écoles mises en concurrence avec des moyens et même des salaires des personnels fluctuants en fonction du résultat de ces évaluations. SUD éducation a rappelé à Mme la Dasen que le salaire au mérite était l’un des objectifs du président Macron. Elle nous a répondu que l’évaluation des personnels et la mesure de leur mérite ne s’effectueraient pas par le biais des évaluations d’école.

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Résistons collectivement aux évaluations d’écoles

En instaurant des auto-évaluations et évaluations externes, nommées « audits » dans le secteur privé, le ministère fait un pas de plus vers le démantèlement et la privatisation du service public de l’Éducation Nationale. Il utilise les mêmes méthodes qui ont fait malheureusement leurs preuves dans les autres services : les télécommunications (France Télécom devenu Orange), l’énergie (EDF-GDF devenu Engie), les transports (SNCF), la santé (l’hôpital public)…

Effectivement, l’auto-évaluation est une technique managériale connue.
Elle consiste notamment à faire croire aux participant·es (ici, les enseignant·es), qu’ils et elles sont acteur·trices dans l’évolution de leur profession, l’aménagement de leur cadre de travail et leur conditions d’exercice. Mais, il s’agit d’un leurre. L’employeur amène les personnels là où il le souhaitait. Au-delà de la tromperie, ce processus rend beaucoup plus difficiles les éventuelles contestations futures. En effet,
comment s’opposer à une décision de notre supérieur·e hiérarchique lorsque celle-ci résulte de projets auxquels nous avons activement participé ?
Sous couvert d’amélioration des conditions de travail pour les personnels et des services rendus pour les « usagers » c’est indéniablement tout l’inverse qui se produira.

Les évaluations d’école ne sont rien d’autres qu’un « contrat d’objectifs et de réussites » que nous élaborerions contre nous-mêmes.
Or, est-ce réellement ce qui fait défaut à l’heure actuelle à l’école ? Plus que d’audits, de projets, de contrats réussites, l’école n’a-telle pas cruellement besoin de davantage de professeurs statuaires, d’AESH titularisé.es et formé.es, d’une médecine scolaire digne de ce nom, d’un contingent de brigades disponible toute l’année, d’orthophonistes, d’un RASED beaucoup plus présent ?

Nous refusons la mise en place d’une culture d’entreprise au sein de l’Éducation Nationale.
Nous n’acceptons pas une École où les projets seraient mis en concurrence et exposés aux critiques des parents (à qui on accorde de plus en plus le statut de clients), élèves, collectivités territoriales, et autres « partenaires » de l’école.

Nous n’acceptons pas un processus chronophage nous éloignant un peu plus de nos missions.
Les enseignant·es sont déjà bien trop exposé·es aux pressions locales. Nous ne voulons pas d’une école dans laquelle l’avis des parents et des élèves aurait le même poids que celui des personnels.
Nous nous opposons au renforcement de la tutelle des municipalités et de la territorialisation de l’école publique.

C’est pourquoi SUD éducation appelle les enseignant.es à résister aux évaluation d’école :

• en n’utilisant pas les « enquêtes de satisfaction » qui ne sont que des propositions
• en refusant collectivement de participer aux auto-évaluations
• à construire leur projet d’école comme cela leur est professionnellement utile
• Et le cas échéant, en se saisissant des consultations réalisées lors des évaluations externes pour faire connaître les manques de l’institution pour la réalisation de nos missions (RASED, remplacement, formation, enseignant·es supplémentaires…)